Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MASSESCRITIQUES

….C'est par où la sortie ?... 📌 Mon livre sur Paul Valéry ➡️ https://fabriceguillaumieblog.wordpress.com/

De la librairie verticale aux computers en réseaux

Publié le 5 Novembre 2014 par Fabrice Guillaumie in critiques sociales

De la librairie verticale aux computers en réseaux

La révolution héraclitéenne d’Internet aura bientôt lieu

2600 ans après sa mort Héraclite bande encore !

L’arc, dont les tensions opposées aux extrémités lui servait à imaginer le mouvement de la vie engendré par les contraires, l’amena à décocher par delà les siècles, une flèche qui devait se ficher en plein cœur du 21ème siècle.

Pour Héraclite c’est en effet la tension des éléments contraires, en lutte les uns contre les autres, qui est à l’origine de la vie (« Le combat est le père de toute chose » Fragment 53). Sans tension pas de vie, car cette tension des opposés illustre sa conception d’un univers en perpétuel mouvement, toujours changeant. C’est ce que nous dit son célèbre fragment 91 : « on ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve » car ni mon corps ni l’eau du fleuve ne sont identiquement stables, ce qui implique un univers dématérialisé de flux, d’échanges, de circulations des contraires dont les oppositions s’harmonisent en un tout dont l’instabilité même est la condition de l’équilibre. « Pantha rheï » (tout coule) faisait dire Platon au mathématicien Théètète, à propos de cette philosophie héraclitéenne du flux dont selon Paul Ricoeur (Etre, Essence et Substance chez Platon) il aimait se moquer en parlant d’une « philosophie du nez qui coule »....

Mais le philosophe de l’éternité et des idées fixées au ciel (Platon) n’a pas réussi à moucher le morveux philosophe du devenir et du mobilisme universel (Héraclite). Le monde de Platon, fixe et immobile, qu’on y adjoigne ou non la finalité et le principe d’identité comme le fera ultérieurement Aristote pour en renforcer la cohérence, est devenu que cela plaise ou non, incompatible avec le monde contemporain, le monde Internet qui lui aussi n’est que flux, circulations de data, et échanges en rhizomes.

Si la verticalité de l’arbre a pu être la métaphore de la métaphysique occidentale depuis Platon où un haut et un bas le disputaient au bien et au mal, l’horizontalité du rhizome modélisé en râteau est devenu comme l’avaient prédit Gilles Deleuze et Félix Guattari la structure actuelle de nos organisations, socialement révolutionnées par la virtualité du monde numérique qui absorbe désormais la quasi totalité de notre temps quotidien.

Après une éclipse de deux millénaires le monothéisme centralisé du monde occidental redevient donc héraclitéen et renoue avec le polycentrisme de l’antiquité que la mondialisation des échanges accélère de fait en en contractant l’espace.

C’est ainsi que pour nous post-modernes, le monde est entré en crise : dans un monde en réseaux les valeurs traditionnellement fixées n’ont plus cours aujourd’hui. La morale universaliste d’hier en crise aujourd’hui, devra laisser place à une éthique des choix qui fera confiance à l’intelligence ainsi qu’à l’autonomie de l’individu technologiquement augmenté. Tout centre deviendra périphérique de ses propres flux en démocratisant par «innervations» toute autorité (Cf. W. Benjamin L’œuvre d’art à l’heure de sa reproductibilité technique) .

Problème : si nos mœurs sont finalement bien passées du normatif à l’interactif, si l’instruction de la jeunesse via Internet se diffuse avant le savoir prescriptif des maîtres, nos institutions et nos élites elles pensent encore dans le schéma universaliste de la métaphysique des valeurs. Le décalage est immense entre la peer polity interaction de la jeunesse aujourd’hui, et le savoir accaparé et stocké par héritages culturels des anciens diplômés. Deux mondes cohabitent encore pour l’instant. Face à face, la librairie avec ses chiens de garde versus les computers en réseaux transfrontaliers et dentritiques, sachant que toutes les représentations de la culture des lettres classiques sont bien dépassées et devront inventer le moyen de se conserver autrement, l’Etat comptable n’y pouvant plus rien. Tenons nous là une hypothèse sérieuse quant à la permanence des blocages de la France (1) ?

En transitant d’une économie de l’objet et de sa propriété, à une économie de l’accès et de l’échange illimité, la révolution culturelle qui s’opère à l’instant est aussi importante que le passage dans l’antiquité, du monde Polythéiste de la Grèce pré-socratique au monde Occidental du Monothéisme tel que celui-ci a pu régner jusqu’à nos jours. Sauf que c’est l’individualité multiple, dans ses contradictions vitales, qui aujourd’hui reprend le devant de la scène, armée de l’arc toujours en tensions d’Héraclite. La vie recommence.

(1) Au WISE le sommet mondial de l'innovation en éducation qui s'est tenu du 4 au 6 Novenbre 2014 à Doha au Qatar, la conclusion est sans appel : "L'imagination des élèves s'évapore dés l'école maternelle - A 4 ans un élève pose une centaine de questions par jour. A 7 ans il commence à comprendre qu'il vaut mieux savoir répondre aux questions plutôt que d'en poser "…. "Autrefois nous avions beaucoup de respect pour ceux qui avaient acquis un grand savoir. Cet avantage compétitif est en train de disparaître, car aujourd'hui le savoir est accessible à tout le monde en un clic. l'important n'est donc plus ce que l'on sait mais ce qu'on sait faire avec ce que l'on sait". Ainsi beaucoup de chefs d'entreprises n'ont plus confiance dans les diplômes. L'imagination des adultes va en s'appauvrissant…. Alors que la relance économique ne peut passer que par de nouvelles conceptions. Le Monde du 6 Novembre 2014.

Mais qu'est-ce donc qu'un rhizome ?'
Commenter cet article
F
Cher Bernard,<br /> <br /> Cela fait longtemps que le monothéisme platonicien ne m'intéresse plus sinon comme symptôme des démesures de la raison dominante… Il faut relire Guthrie et apprendre à préférer le meilleur plutôt que le Vrai, la bienfaisance plutôt que le Bien, l'agréable plutôt que le Beau…. etc… Et surtout l'éthique plutôt que la morale dont on voit l'illusion à chaque pas fait hors de nos bibliothèques…<br /> <br /> Bien à toi
Répondre
B
Le Thééthète est un dialogue aux apparences badines qui se révèle être très destructeur. L'objet du Théétète, comme tu sais cher Fabrice, c'est la course au savoir ce qu'est la connaissance. Au cours de l'exercice, Platon fait envisager à Socrate toute une série d'hypothèses, qu'il démonte à chaque fois. Au passage, il démonte les thèses d'Héraclite, de Parménide, de Protagoras surtout et... celles de Socrate lui-même, puisque la maïeutique y est montrée parfaitement impuissante comme méthode pour cerner la nature de la connaissance . Par conséquent je ne crois pas qu tu puisses utiliser le Thééthète comme tu fais. Amitiés
Répondre
F
Cher Bernard,<br /> <br /> Cela fait longtemps que le monothéisme platonicien ne m'intéresse plus sinon comme symptôme des démesures de la raison dominante… Il faut relire Guthrie et apprendre à préférer le meilleur plutôt que le Vrai, la bienfaisance plutôt que le Bien, l'agréable plutôt que le Beau…. etc… Et surtout l'éthique plutôt que la morale dont on voit l'illusion à chaque pas fait hors de nos bibliothèques…<br /> <br /> Bien à toi